Biographie de l’auteur

 

Il convient tout d’abord de reconnaitre que les éléments et les documents historiques manquent cruellement pour étayer plus avant nos connaissances sur le dénommé Jean Auguste René de Marigny, Vicomte d’Alançon dit, Jean Dalançon.

Alors, bien que parcellaire, voici néanmoins la biographie de sa première vie :

 

Il serait né de ce « Grand Siècle » comme on le qualifiera plus tard. Soit le 19 octobre 1669, au castel familial d’Alançon. Un petit bourg niché en plein cœur du Périgord noir. Surplombant une rivière légendaire appelée Vézère, qui dévale depuis le plateau des Millevaches pour venir se jeter avec gourmandise dans la Dordogne.

Sa mère étant morte en couche, son père, le sieur Henry de Marigny seigneur d’Alançon le confia prestement à une nourrice et à sa famille. Autres temps, autres mœurs. Et jusqu’à sa disparition, survenue quelques années plus tard lors d’une mauvaise chute (d’une « glissade » comme il est notifié dans l’acte de décès du Vicomte), il n’entretint que très peu de rapports avec son fils. Ne lui accordant, semble-t-il, ni attachement particulier, ni même une quelconque marque d’affection. Encore une fois, autres temps, autres mœurs …

En l’occurrence, hormis de conséquentes dettes de jeu, il ne lui laissa rien, sinon un château en décrépitude. Dans lequel subsistèrent toutefois, et non sans mal, pendant les nombreuses années qui suivirent, le nouveau Vicomte et les autres gens de la maisonnée. Aréopage réduit au plus simple appareil, qui comprenait un précepteur (un vieil érudit aveugle et décrépit lui aussi), sa nourrice Marie-Francine (qu’il considéra toujours comme sa mère), son mari l’Antoine et leur fille Fantine. Sa vraie famille. Sa seule famille pour tout dire, puisqu’il ne se connaissait pas de parenté en vie.

Jean grandit pourtant vigoureusement et garda de merveilleux souvenirs de ces années « au grand air » comme il le confia lui-même. Non sans une certaine auto-dérision puisqu’il faisait allusion ici, aux multiples lézardes dans les murs et la charpente du vieux manoir, qui étaient autant d’invitations à tous les courants d’air.

Sans aucun à priori, ne se formalisant de rien, il se considérait comme dépourvu des qualités essentielles à tout gentilhomme roué au jeu subtil de la vie en société.  Se reconnaissant tout au plus d’une insatiable curiosité. Qualité qu’il entretint avec opiniâtreté, en passant la majeure partie de ses jeunes années dans la tour sud (la seule encore debout) qu’il avait fait aménager en bibliothèque au confort des plus sommaire. Ou en parcourant sans relâche les sombres forêts de feuillus qui jouxtaient son domaine et offraient tout le nécessaire à ses innombrables observations.

Ainsi, s’il se dépeignait lui-même avec beaucoup d’humilité, ses contemporains relevaient pourtant chez lui un esprit vif, avec en outre un sens de l’observation et de la répartie sans pareille. Sorte de dandy avant l’heure, au style raffiné et à l’ironie mordante, Jean Dalançon ne laissait, semble-t-il, pas insensibles non plus ses contemporaines. Intriguées par cet intriguant au regard étrange. Un regard doux et pétillant, mais si pénétrant qu’il semblait vous scruter le fond de l’âme.

Pourtant on ne lui connaissait pas de liaisons déclarées. Passant des bras d’une comtesse à ceux d’une aubergiste, il n’aimait guère que les prémisses et ne s’attachait jamais. Enfin, atout non négligeable et disons même de taille : le temps ne semblait pas avoir de prise sur lui ! Si bien que les rumeurs allèrent bon train dans cette noblesse de province qui bruissait de ragots. Notamment dans les quelques salons et assemblées que le vicomte fréquentait, quand ses travaux ne le retenaient pas.

Mais il ne fera rien pour y contrevenir. Bien au contraire, semblant vouloir entretenir cette légende noire qui n’en était peut-être pas vraiment une. Tant sa connaissance des savoirs anciens et réprouvés, ainsi que ces « expérimentations » condamnables le rangeaient, de facto, du côté des infréquentables.

On le disait ainsi verser dans l’ésotérisme, l’occultisme, le chamanisme voire même dans l’alchimie. Lui avouait à demi-mot qu’il aimait travailler la matière comme tout bon artisan. Ne faisant, pour le reste, qu’observer la nature, en mettant à profit les bienfaits et les remèdes qu’elle mettait, gracieusement, à sa disposition.

Ses différents traités sur la pharmacopée naturelle, sur la chimie des fluides ou l’observation des cycles astronomiques, même s’ils n’ont pu parvenir jusqu’à nous, attestent de ce travail de recherche qui en feront une référence jusqu’à la Révolution.

Son existence semblait donc suivre un chemin tout tracé de nobliau autodidacte et désargenté. En rupture avec la société et le clergé de son temps. Jusqu’à cet hiver particulièrement âpre et rigoureux de l’an 1699, où l’on perdit toute trace de lui. N’ayant jamais retrouvé son corps, on considéra le vicomte comme porté disparu.

Les supputations furent nombreuses (expédition, règlement de comptes, les loups …)  quant au sujet de cette mystérieuse disparition. Un temps. Puis il tomba dans l’oubli, comme beaucoup d’autres. Jusqu’à nos jours où il revint à la surface. Nous apprendrons par la suite, que lors d’une de ses nombreuses expériences condamnées par l’église et la morale, il se fit happer par une faille temporelle. Ou plus exactement par une boucle d’espace-temps qui le projeta à son grand désarroi trois siècles plus tard. Soit le 31 décembre de l’année 1999 !

Depuis lors et sous une nouvelle identité que nous ne pouvons révéler, il s’astreint avec assiduité à la tenue d’un carnet de bord, « sorte d’amalgame douteux et d’almanach de tout » comme il le définit lui-même. Où il consigne, scrupuleusement, ses réflexions sur cette nouvelle vie et ce nouveau monde qui s’offre à lui.

Naviguant entre introspection et circonspection face à l’absurdité de celui-ci, il nous confie ses élans et ses doutes dans ces chroniques d’un troisième millénaire qui commence sous de bien tristes augures. Rappelant au « vicomte » une époque chaotique qu’il ne connut que trop bien, où l’intolérance le disputait à l’injustice, il en vint à se dire que le moment était venu de semer aux quatre vents de nouvelles

Graines de Lumières.