Avant-propos

 

Ce recueil, j’aurai pu l’intituler : Mes bonnes révolutions pour le nouveau millénaire. J’avais pensé aussi à un titre plus accrocheur, genre : Les cent tueries ! Dans un hommage croisé à Quentin Tarantino et Nostradamus …

En vérité, ces « chroniques » ne sont rien de plus qu’un amalgame douteux, un almanach de tout. Méli-mélo de fantaisies, fables, maximes et même devinettes, compilées bon gré mal gré au fil des années deux mil’.

Et ces quelques textes, quatrains modestes, s’il me plut parfois de les tourner en vers par coquetterie, autant que par paresse, n’ont d’autre ambition que celle de divertir les quelques amis et proches de ma petite constellation.

Je n’ai donc ici nulle prétention à la dimension de poète, encore moins de philosophe ou de moraliste, dans un pays qui regorge à foison de ces funambules de la rhétorique et autres fameux donneurs de leçons.

Enfants insouciants à qui l’on finit par lâcher la bride même s’ils empruntent des chemins de traverse, mes récits s’échappent. Je me reconnais néanmoins en chacun d’eux et les revendique tous autant qu’ils sont.

Pour démêler le fil rouge de ma pensée, souvent obscure et hasardeuse, je ne résiste pas enfin au plaisir de citer in-extenso, en guise de préambule autant qu’en hommage, l’un des plus grands écrivains et libre penseurs français.

Je veux parler de sieur Michel Eyquem, dit seigneur de Montaigne, qui exprime dans son introduction aux célèbres Essais, le fond de cette pensée avec bien plus de talent et de profondeur que je n’eusse pu le faire moi-même :

« C’est ici un livre de bonne foi, lecteur. Il t’avertit dès l’entrée que je ne m’y suis proposé aucune fin, que domestique et privée ; je n’y ai nulle considération de ton service, ni de ma gloire : mes forces ne sont pas capables d’un tel dessein. Je l’ai voué à la commodité particulière de mes parents et amis : à ce que, m’ayant perdu (ce qu’ils ont à faire bientôt), ils y puissent trouver aucuns traits de mes conditions et humeurs, et que par ce moyen ils nourrissent plus entière et plus vive la connaissance qu’ils ont eu de moi. Si c’eut été pour rechercher la faveur du monde, je me fusse paré de beautés empruntées : je veux qu’on m’y voie en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans étude et artifice : car c’est moi que je peins.

 Mes défauts s’y liront au vif, mes imperfections et ma forme naïve, autant que la révérence publique me l’a permis. Que si j’eusse été parmi ces nations qu’on dit vivre encore sous la douce liberté des premières lois de nature, je t’assure que je m’y fusse très volontiers peint tout entier et tout nu. Ainsi, lecteur, je suis moi-même la matière de mon livre : ce n’est pas raison que tu employes ton loisir en un sujet si frivole et si vain. Adieu donc. De Montaigne, ce premier de mars 1580. »

Que rajouter de plus à cette introduction pleine de bon sens et à cette expression limpide empreinte d’humilité et d’humanité non feintes ?

Rien, sinon se demander ce qu’aurait pu penser un tel humaniste, tout droit venu d’une époque brutale et intolérante, en découvrant notre monde dit civilisé.

Quel regard aurait-il porté sur les âges sombres qui s’annoncent, comme s’amoncèlent les nuages et les ombres au-dessus de la mer ?

Y décèlerait-il de l’espoir et un terreau fertile, riche d’incandescentes Lumières sur le point d’éclore ?

Ou y verrait-il plutôt de la peur et une tourbe fangeuse, pleine de nouvelles Saint Barthélemy en germe ?

 

  J.D